Essais cliniques antirétroviraux – Actualités

Traitement antituberculeux empirique versus isoniazide chez des patients VIH+ ambulatoires débutant un traitement ARV à un stade avancé (REMEMBER) : étude randomisée, en ouvert, multi-pays
Hosseinipour MC et al.
Lancet. 2016 Mar 19;387(10024):1198-209.

15th July 2016, by Pr Pedro Cahn

La mortalité dans les 6 mois suivant l'initiation du traitement ARV est fréquente dans les pays à ressources limitées et est souvent due à la tuberculose chez les patients avec une infection VIH à un stade avancé. Le traitement prophylactique par isoniazide (PI) est recommandé chez les adultes VIH+, une tuberculose infraclinique étant toutefois difficile à diagnostiquer. Le but de cette étude était d'évaluer si le traitement antituberculeux empirique (TTE) permettait de réduire la mortalité, comparativement à la PI dans un contexte de risqué élevé.
Un essai clinique randomisé, sans insu, a comparé le TTE et la PI chez des patients VIH+ ambulatoires débutant le traitement ARV avec des CD4 < 50/μL. Les participants étaient recrutés dans 18 cliniques de recherché dans 10 pays (Malawi, Afrique du Sud, Haïti, Kenya, Zambie, Inde, Brésil, Zimbabwe, Pérou et Ouganda). Les patients avaient un dépistage de la tuberculose avec un score de symptômes, les examens paracliniques diagnostiques disponibles sur place et, si disponible, le test GeneXpert MTB/RIF. Les patients avec tuberculose suspectée ou confirmée étaient exclus. Les critères d'inclusion étaient des test hépatiques ≤ 2.5 fois la limite supérieure de la normale, une clairance de la créatinine > 30 ml/min et un score de Karnofsky > 30. Les participants étaient randomisés 1:1 entre traitement ARV et TTE ou traitement ARV et PI. Le critère de jugement principal était la survie (décès ou statut inconnu) à la semaine 24 après la randomisation, en intention de traiter. Les estimations Kaplan-Meier de survenue du critère principal dans les 2 groupes étaient comparées avec le z-test. Tous les patients étaient inclus dans l'analyse de tolérance du traitement ARV et du traitement antituberculeux. L'essai est enregistré dans ClinicalTrials.gov, n° NCT01380080.

Entre le 31 Octobre 2011 et le 9 Juin 2014, 850 patients ont été randomisés : 424 dans le groupe TTE et 426 dans le groupe PI. Le taux médian de CD4 à l'inclusion était de 18/ μL (IQR 9-32). A S24, 22 (5.2%) patients dans chaque groupe étaient décédés ou avec statut inconnu (IC 95% 3,5 à 7,8 pour TTE et 3,4 à 7,8 pour PI, différence du risque absolu de -0,06% (IC 95% -3,05 à 2,94)). Le délai de survenue du décès était identique dans les 2 groupes. Les causes de décès étaient : infection liée au VIH (17 pour TTE et 11 pour PI), pathologies non liées au VIH (5 PI), toxicité rénale du TDF (1 PI), cause inconnue (2 TTE et 4 PI), accident de voiture (1 IPT). Les causes les plus fréquentes de décès liées au VIH étaient la cryptococcose méningée (n=4), le Kaposi (n=3), et la tuberculose extra-pulmonaire (n=3). Des signes ou symptômes de grade 3 ou 4 sont survenus chez 50 (12%) patients dans le groupe TTE et 46 (11%) dans le groupe PI. Des anomalies biologiques de grade 3 ou 4 sont survenues chez 99 (23%) patients du groupe TTE et 97 (23%) du groupe PI. A S24, le taux de décès ou de progression sida était plus élevé dans le groupe TTE que dans le groupe PI (72 (17%° vs 53 (13%); p = 0.06) et le délai de survenue du décès ou de progression sida était plus court dans le groupe TTE. Ce résultat était essentiellement dû à une incidence de tuberculose plus élevée (31 cas dans groupe TTE vs 18 dans groupe PI), tant pulmonaire que extra-pulmonaire. Le délai de survenue d'une tuberculose confirmée ou probable était aussi plus court dans le bras TTE. Le taux d'arrêt des antituberculeux était également plus élevé dans le bras TTE (47 vs 18 à S24). Une charge virale < 400 copies/ml était obtenue chez 84% des patients dans le groupe TTE et 85% dans le groupe PI. Un syndrome de reconstitution inflammatoire lié au BK survenait dans 19 cas (2%) (9 TTE et 10 PI).

En conclusion, le TTE ne réduisait pas la mortalité à S24 comparativement à la PI chez des patients VIH+ ambulatoires débutant un traitement ARV à un stade avancé. Chez ces patients avec infection VIH avancée, dans les situations d'incidence élevée de tuberculose, la moralité basse observée dans l'étude est en faveur de la mise en oeuvre urgente du dépistage systématique de la tuberculose et d'une prophylaxie par isoniazide avant l'initiation des ARV.


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